DISCOURS PRONONCÉ AUX OBSÈQUES DE M. F. A. LONGET LE 7 DÉCEMBRE 187 1 AU NOM DE L’ACADÉMIE DE MÉDECINE PAH II. Hte Bon I^ARREl PARIS J.-B. BAILLIÈRE ET FILS libraibes de l’académie de médecine iO, rue HaïUefeuille, près du boulevard Saint-Germain U EXTRAIT DU BULLETIN DE L’ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 12 décembre 1871. DISCOURS PRONOiNCÉ AUX OBSÈQUES DE M. F. A. LONGET LE 7 DÉCEMBRE 1871 (1), , ' AU NOM DE L’ACADÉMIE DE MÉDECINE Paü M. Hte «oa I^ARRKV Messieurs, C’est au nom de l’Académie de médecine que j’ai l’hon- îieuc de prendre la parole, devant la tombe de l’un de ses membres les plus éminents, jusqu’à ce qu’une voix plus éloquente ou plus autorisée que la mienne puisse rendre un plus digne hommage à sa mémoire. Je n’en ai accepté la tâche que par mon affection pour lui. Sa mort est cependant déjà loin de nous, car elle date de sept mois accompliSj efelle est survenue au milieu des dé¬ sastres de la France, hors dps murs de Paris, dévasté d’abord par les calamités de la guerre et profané ensuite par les horreurs de la commune. M. le docteur François-Achille Longet, membre de l’In¬ stitut (Académie des sciences) et de l’Académie de médçcinè, professeur de physiologie à la Faculté de Paris, associé ou correspondant de diverses Compagnies savantes nationales ou étrangères, médecin eu chef de la maison de,Saint- Denis et commandeur de la Légion d’honneur, était né le 25 mai 1811, à Saint-Gerraain-en-Laye. . (1) Ce discours s’est réduit, comme les autres, à quelques mots, le Joiir des obsèques, à cause de l’intempérie de-la,saison. — 2 — Son père, modeste employé à la grande chancellerie, n’aurait pu faire les sacrifices nécessaires pour le bien élever, s’il n’y avait été aidé par le. .vif attachement d un trère aîné, simple fonctionnaire de TUniversité, et par la généreuse sollicitude de M®® de Laizeau, supérieure générale des mai¬ sons de la Légion d’honneur. • Ces soins si précieux pour l’éducation scolaire s’étendi¬ rent aux études supérieures du jeune Longet, redevable à une telle assistance, d’avoir abordé la carrière difficile des sciences médicales, pour y acquérir, un jour, une brillante célébrité. Suivons-le rapidement dans cette voie laborieuse, sans nous arrêter à ses débuts qui nous reporteraient trop loin, jusqu’à son entrée dans les hôpitaux, et notamment jusqu’à sou passage à l’Hêtel-Dieu, où les mémorables leçons de Dupuytren nous avaient rapproché l’un de l’autre, pour la première fois, Reçu, èn 1835, docteur en médecine de la Faculté de Pa¬ ris, Longet soutient sa thèse swr les exhalations sanguines des méninges- H s’applique.'dès lors à cultiver son goût prononcé pour l’anatomie et la physiologie, en commençant, l’année suivante, la longue série des travaux qu'il allait entre¬ prendre. 11 dirige, dès le début, ses recherches vers le système nerveux, comme pour découvrir, dé prime abord, les pro¬ fonds mystères de l’organisme. Ce n’est pas seulement dans les livres ou dans la science acquise, ce n’est pas non plus seulement auprès des malades ou duns les cliniques, c’est encore sur les animaux, sur la nature animée, qu’il porte ses investigations,.à l’exemple des célèbres physiolo¬ gistes qui avaient précédé ou qui devaient suivre l’immortel Bichat. - ... n reconnaît aussi, que le plus sûr moyen d’apprendre soi-même est d enseigner aux autres, et, disciple de Magen¬ die, au Collège de France, il institue, à l’Ecole pratique de la Faculté de médecine, des cours particuliers qui obtiennent, pendant une dizaine d’années, î’un des plus grands succès de renseignement libre. L’influence du jeune professeur sur un auditoire aussi rapproché de son âge, fait déjà de lui un chef d’école ét devient le prélude des leçons qu’il devra pro¬ fesser plus tard dans une chaire oflicielle. Il s'attache dès lors, avec une constante activité, à la dé¬ monstration des découvertes physiologiques par la méthode expérimentale, M. Longet commence, vers 1839, et poursuit, pendant plu¬ sieurs années, l’examen des lois de Pexcitabilité dans les nerfs et des phénomènes de rirritabiiité propre ou directe de la fibre musculaire. Il démontre la persistance de la contraclitité dans les muscles, au delà dé là perte d’excitabilité de leurs nerfs mo¬ teurs, et confii me ainsi la doctrine de Haller sur l’indépén- dance de ees deux phénomènes. Il établit l’existence des nerfs mixtes et la classification des nerfs crâniens; U étudie spécialement Paction de l’électricité sur le système nèrveüx, et publie, dès 18â0, des expériences faites l’année précédente sur ce sujet, par lui et par Matteucci, de Puniversité dé Pise, Ce mémoire \û^\i\x\é i Rapports mtre lè s^ns du courant électrique et les contractions mmcûtaires dues à ce courant^ a pour but de prouver que l’influence du courant élec¬ trique diffère tout à fait, quand elle s’exerce sur les nerfs exclusivement moteurs, dont l’action n’est que centrifuge, ou séries nerfs mixtes, dont Paction est à la fois centrifuge et centripète. En 1841, paraissent ses recÂercÆes Sur ies^ conditions nécessaires à l’entretien et à, la manifestation de rirritdbilité 'musculaire, avec application à la pathologie; 2" Sur les fondions de l'épiglotte et les agents d.e Vocclusion de la glotte dans la déglutition, le vomissement ef la ruminai- tion; 3° Sur les fonctions des muscles et des nerfs du larynx et sur rinfltience dja nerf spinal ou accessoiré de Willis dans la phonation ; 4“ Sur les propriétés et les fonctions d.es faisceaux de la moelle épinière ét dés raxines des nerfs rachidiens, avec un examen historique et 'critiqué des èxpérïèncès faites sur cés organes, depuis Charles Bell. ■ — h — Notre savant collègue a obtenu deux fois le prix Monlyon, à l’Académie des sciences, pour les travaux que nous venons simplement^d’énumérer, et pour les communications faites par lui, l’année suivante, sur la nature des mouvements pro¬ pres au poumon:, et sur une nouvelle cause d'emphysème pul¬ monaire. : . Dès la même année, en 18â2, il publie son premier ou¬ vragé, en deux volumes, avec planches, c’est-à-dire le Traité d’anatomie et de physiologie du système nerveux de Vhommé et des animaux vertébrés, œuvre alors tout à fait nouvelle, devenue inséparable du nom de Longet qu'elle révélait à la science, en fondant sa réputation en physiologie. . L’Institut accorda le prix .de physiologie de 3000 francs à cet important travail, qui obtint, presque en même temps, les.honneurs de la traduction .dans plusieurs langues. L’auteur ne s’applique pas seulement à faire connaître les résultats de ses ; propres expériences, il expose encore et contrôlé avec les siennes celles des autres, par les éléments multiples de l’anatouiie comparée, de l’anatomie anormale, de ranatomie pathologictue et de l’observation clinique. Il fait paraître, en iShk, ua mémoire sur la relation qui existe-entre le sens du courant‘ électrique et les contractions musculaires . dues à. ce courant; C’est le développement des expériences qu’il a entreprises.en 1839 avec Matleucci. \]m 'note .sur. l’hypothèse du courant électrique dans les nerfs complète les études antérieures de M. Longet, qui obtient; la même année, l’un des prix du concours de mé¬ decine et de chirurgie. Il élucide, en 1845, une question obscure de pathologie chirurgicale sur les plaies par instrument tranchant de la région postérieure du cou, en publiant son mémoire sur les troubles gui surviennent dans l'équilibration, la station et la locomotion, des animaux, après la section des parties molles de la nuque. Il insère dans les Archives, en 1847, des expériences rela¬ tives^ aux effets de l inhalation de l'éther sulfurique sur le système nerveux de l'homme et des animaux. Ces expériences sont d’autant plus intéressantes, qu’elles révélaient alors, dans le nouvel agent, un moyen précieux cüanalysft expéri¬ mentale, sans mutilation préliminaire ou sans opération sanglante sur les animaux, en même temps qu’elles fixaient, pour l’homme, les limites de l’anesthésie chirurgicale. . M. Longet produit encore, en 1847, un travail tendant à démontrer que le principe moteur de la respiration a. son siège dans le faisceau ^ris ou intermédiaire du bulbe rachi¬ dien; et il développe ce travail, en 1850, dans de nouvelles rechercher sur le siège du principe moteur de la respiration. . Il mentionne à part, Notice sur ses travaux, faits publiés.aussi, dès 1850, dans son Traité de physiologie, et relatifs; à scs investigations si ingénieuses, si concluautes sur \q^ pouvoir.ré fie xe.de la moelle épinière.' , . . Les expériences dè vivisection qu’il a entreprises à ce su¬ jet sont fort çurieuses, mais elles nepeuvent même être énon¬ cées ici. Elles se joignent à toutes celles de notre savant col¬ lègue, démoirtraut l’influence de là nioellé épinrèr® sur les contractioijs_;du cœur. Il reconnaît du reste et, proclame lui-mêmfe' la découverte de M. Claude Bernard-sur le phé¬ nomène remarquable de la seitsibilité'récürrentec Il s’associe, en 1852, à M. Masson, pour un long mémoire intïtùlé. ; Etud,esxxpérimmtalessur la voix etxurles causes de la production du son, dans les diver’S instruments de musique.^ Ses observations:sur là; {>kmologie .du 'larynx ont été con- fenées par:des-travauxiplus récents. Il indique,, en 1854, une propriété singulière de Y action du fluide séminal mr les cot'ps gras neutres, que l’huile- d’olive, formant avec ce fluide une émul«ion: lactescente. , Il fait connaître,, en 1855, de nouvelles.recherches relatives à Pactiondu suc gastrique sur les matières albuminoïdes. ' Il publie, la même année, un autre écrit intitulé ; Zîmsm/- foeycmure de potassium considéré comnxe un.des éléments nor¬ maux de la salive de Vhomme; et en 1857, un mémoire sur le- rôle Au suc pancréatique, dans la digestion, des matières - grasses. '. - Ajoutons à ces divers travaux deM. Longet des m’4g?:c/ies sur la cûirtpositiün chimique de la salive; — sur'le lieu d'ori¬ gine et sur le mode d'enlrecrqiserrient des nèrfs optiques ; — sur d\es .particularités relatives à la sensibilité olfactive; — suria détermination des nerfs moteurs du voile du palais', ei sm (\\xû- ques autres nerts-des organes des sens ; — considérations sur les moyens de répartition de la sensibilité générale autour des orifices sensoriaux; -^ des recherches sûr-la portion cépha¬ lique du nerf.grand sympathique; — un mémoire sur la véritable nature des nerfs pneumogastriques et les usagés de leurs anastomoses; — une étude des mouvements de l'estomac dans leurs rapports avec le système 'nerveux; — et successive¬ ment,des recherches expérimentales sur la nature des mouve¬ ments propres, du poumon nn travail relatif à Vinfluence du système nerveux sur les mouvements du cœur ; — des expé¬ riences tendant à déterminer le . siège de la faim chez les ani¬ maux supérieurs;:,, -r- et enfin suivant une indication précitée,. des recherches expérimentales sur i'Mat de la glotte dans la rumination et sur les agents de son occlusion. . , : Telle est,, d’après une énumération exacte, mais simple¬ ment énoncée, la longue série.des: travaux scientifiques de notre éminent collègue, exposés par lui-même, avec soin,: en 1860, dans une notice, analytique pour sa candidature à l’Institut, insérés dans divers recueils périodiques ou bien reproduits dans ses œuvres. C’est en 1850. que M. Longet publie la première édition du Tràité de qihysiologie.; en 1861, la seconde édition,-et en 1868 la troisième. Les trois volumes compactes de.ce grand ouvrage, accompagné de figures et suivi, à chaque page, de nombreuses annotations bibliographiques, attestent tout d’a¬ bord, chez l’auteur, l’exactitude et la loyauté des citations, comme preuve de savoir et comme acte de probité. Car M. Longet représente, à nos yeux, le savant honnête et loyal qui, loin de s’attribuer ou de passer sous silence les décou¬ vertes et les opinions des autres, se fait un scrupuleux devoir de les tirer de l’oubli, de les remettre en lumière, de les faire valoir enfin, comme elles le méritent, dût-il le faire aux dépens de ses propres travaux et au risque d’en amoin- - 7 —